Élections au Taïwan : À l’ombre d’une Chine intransigeante

Assafir24 – Nizar Ghennem

Pékin considère Taïwan comme une province chinoise et le chef du parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, n’exclut pas de recourir à la force pour parvenir à ce qu’il appelle la « réunification ». En parallèle, les principaux partis politiques taïwanais et une écrasante majorité de la population rejettent la perspective d’une domination chinoise.

Il en va de même pour les principaux partis politiques, mais leurs projets de protection de l’ile d’une domination chinoise sont très différents.

Le parti démocratique progressiste (DPP) et le parti nationaliste d’opposition de Taïwan, le Kuomintang (KMT), s’opposent tous deux à l’unification. Mais le KMT estime que la meilleure façon de progresser est d’entretenir des liens plus amicaux avec la Chine, et accuse le DPP, avec lequel Pékin refuse de discuter depuis son arrivée au pouvoir en 2016, d’aggraver les tensions.

Le DPP affirme que Pékin a l’intention de modifier le statu quo, exigeant que Taïwan choisisse entre la capitulation ou l’annexion par la force. La priorité du parti est le renforcement des liens internationaux de Taïwan au moment même où Pékin multiplie les agressions militaires.

Alors que de plus en plus de voix extérieures et intérieures prédisent que la Chine tentera d’envahir l’île dans les années à venir, la question de savoir qui dirigera Taïwan à partir de 2024 est cruciale non seulement pour les habitants de l’île, mais aussi pour le reste du monde.

La lutte pour la présidence oppose essentiellement Hou You-yi, du KMT, et Lai Ching-te, du DPP, mais un tiers « perturbateur » émerge : l’ancien maire de Taipei, Ko Wen-je, que les sondages ne laissent pas en reste.

Parti démocrate progressiste (DPP) : Lai Ching-te

La présidente Tsai Ing-wen doit se retirer de la présidence à la fin de son deuxième mandat, conformément aux limites constitutionnelles qui lui sont imposées. Le successeur qu’elle a choisi, M. Lai, est vice-président depuis 2019. Cet ancien expert en santé publique, âgé de 63 ans, fait de la politique depuis 1996, notamment en tant que maire de Tainan.

Lai jouit d’une grande popularité politique : en 2014, il a été réélu maire de Tainan avec un résultat record de 72,9 % des voix. Il s’agit de sa deuxième tentative d’accéder à la présidence, après qu’il a perdu son défi de nomination face à la présidente sortante Tsai en 2019, et qu’il l’a rejointe sur en tant que vice-président.

Il a été décrit comme étant plus pro-indépendance que Tsai, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la possibilité d’une aggravation des tensions entre les deux rives du détroit suite à une présidence Lai. En 2017, il s’est décrit comme un « militant pragmatique de l’indépendance de Taïwan », mais il a depuis pris ses distances et s’en tient désormais à la formulation plus prudente de Tsai sur Taïwan, à savoir qu’il s’agit déjà d’une nation souveraine qui n’a pas besoin de déclarer son indépendance.

« Nous devons être unis, continuer à renforcer Taïwan, protéger la ligne de front démocratique et assurer la sécurité de Taïwan », a-t-il déclaré en avril.

Kuomintang (KMT) : Hou You-yi

Hou You-yi est une personnalité politique modérée et populaire, qui est devenue maire de la juridiction la plus peuplée de Taïwan, la ville de New Taipei, en 2018, et a été récemment réélue en novembre.

Âgé de 65 ans, il a passé trois décennies en tant qu’officier de police et a été impliqué dans plusieurs affaires très médiatisées, notamment pendant la période d’autoritarisme à Taïwan. Il est membre du KMT depuis 1975. M.Hou est considéré comme un choix pragmatique pour le KMT, qui a les meilleures chances d’unir sa base vieillissante avec les jeunes électeurs dont il a désespérément besoin. Le KMT s’identifie toujours à l’idée d’une nation chinoise unifiée, alors qu’une majorité croissante de Taïwanais, en particulier les jeunes, ne se considèrent plus comme Chinois.

Le fait qu’il n’ait pas de liens connus avec la Chine aurait contribué à sa sélection par opposition au fondateur milliardaire de Foxconn, Terry Gou, qui s’était également porté candidat.

Certains de ceux qui l’ont rencontré l’ont décrit comme un homme charismatique, mais qui n’a que peu d’expérience en matière de politique étrangère. Il a déclaré qu’il s’opposait à « l’indépendance de Taïwan » ainsi qu’à « un pays, deux systèmes », qui est la structure de gouvernance proposée par Pékin si elle dirigeait Taïwan.

Parti populaire de Taiwan : Ko Wen-je

Ko Wen-je est un « élément perturbateur » non-négligeable dans la course entre le DPP et le KMT. L’ancien maire de Taipei a été élu pour la première fois en tant qu’indépendant en 2014, avec le soutien du DPP qui ne s’est pas présenté contre lui. Cinq ans plus tard, il a créé le Parti Populaire de Taiwan, qui a officiellement annoncé sa candidature mercredi.

Ko a appelé à un renforcement des capacités militaires de Taïwan tout en augmentant les échanges culturels entre les deux rives du détroit, et a déclaré que le statu quo de l’indépendance de facto était la seule option réaliste, malgré le projet de Pékin de le modifier.

Dans une récente interview accordée au journal financier Nikkei Asia, il a accusé le KMT d’être « trop déférent » et le DPP d’être « favorable à la guerre », se positionnant ainsi en tant que « Middle Ground ».

Il est peu probable que Ko remporte la présidence, mais avec des sondages montrant un soutien de 15 à 20 %, il est suffisamment fort pour jouer les trouble-fêtes.